L’adolescence est la 1ère grande mue de la vie humaine. Une peau est quittée, celle du petit enfant. Avec la croissance du corps et des facultés de l’esprit qui l’accompagnent, celle-ci est en effet devenue trop étroite. Mais par quoi va-t-elle être remplacée ? L’adolescence est le temps de l’entre deux. Elle caractérise ce moment délicat où l’ancienne peau se craquèle et tombe, laissant le membre à vif le temps qu’une nouvelle peau se constitue. Or, celle-ci ne se donne pas d’elle-même comme celle de l’enfance, elle est pour la première fois à créer. C’est pourquoi elle met si longtemps à se constituer, sauf si n’y tenant plus on en vient à se greffer la peau d’un autre, c’est-à-dire qu’on cherche à « ressembler à » plutôt que de prendre le temps et faire l’effort de «devenir soi».
Si de l’extérieur les adolescents peuvent sembler assez apathiques – nous avons tous en tête, la caricature de l’adolescent qui dort ou traîne toute la journée, qui ne s’intéresse à rien ou à une seule chose à la fois sur un mode obsessionnel, etc. -, c’est qu’ils sont extrêmement mobilisés intérieurement. Sur le plan physiologique d’une part avec ce que l’on appelle la poussée pubertaire. Mais aussi – et cela est moins souvent évoqué – sur le plan ontologique. L’adolescence marque en effet la première confrontation consciente avec la question « qui suis-je ? » et la première grande étape sur le chemin d’individuation qui mène à soi.
C’est pourquoi l’accompagnement que je propose aux adolescents est en grande partie de nature philosophique. Le plus à même de les aider, me semble t-il, est de leur permettre de prendre conscience de la période extrêmement riche et exigeante qu’ils sont en train de traverser, d’en comprendre les véritables enjeux plutôt que d’en rester à une lecture littérale, en apparence peu réjouissante et peu flatteuse. C’est aussi de les encourager à regarder en face la question « qui suis-je ? » plutôt que de s’en détourner, et à la soutenir plutôt que d’y opposer des réponses toutes faites, de revêtir par facilité des identités empruntées, qui coupent court à la recherche d’expression de leur être vrai.